Le secteur des ponts est sans doute le marché le plus intéressant pour le matériau aluminium. Cependant, il y a quelques défis à relever pour une pleine utilisation de ce matériau dans ce domaine. Le manque de connaissance du matériau par les ingénieurs civils est le premier défi à affronter pour une percée dans les ponts. Bien qu’il y ait la norme CAN/CSA S6 « Code canadien sur le calcul des ponts routiers » qui permet la construction d’ouvrages d’art avec l’aluminium, il y a aussi une approche par étapes, basée sur la construction de prototypes, qui permet de donner confiance en ce matériau aux donneurs d’ordres.

Les matériaux utilisés dans la construction de ponts

Les premiers ponts ont été construits avec des matériaux naturels comme la pierre et le bois. Par la suite, la fonte a été utilisée; l’Iron Bridge[1] en Angleterre est le premier grand pont métallique construit dans le monde. Le béton armé, le béton précontraint et l’acier ont suivi; la majorité des grands ponts utilisent ces matériaux. Pour des ponts de courtes portées, on utilise souvent un platelage en bois (madriers et planches) sur des poutres en acier galvanisé, métallisé ou peint. La durée de vie d’une telle structure est assez courte due à un platelage qui n’est pas étanche et qui favorise la corrosion de la charpente d’acier en plus de dégrader les appareils d’appuis.

Ponts en aluminium d’ici et d’ailleurs

Pont d’Arvida

C’est au Québec que fut construit le premier pont routier en aluminium au monde entre 1949 et 1950. Alcan, maintenant Rio Tinto, a d’ailleurs publié une document intitulé « The FIRST Aluminum Bridge in the World ».

Ce pont en arc en aluminium a une portée de 88,4 mètres entre le pied des arcs et se situe à 32,91 mètres au-dessus de la rivière Saguenay. La longueur totale du tablier est de 150 mètres. Le pont relie l’ancienne ville d’Arvida à la centrale hydroélectrique Shipshaw. Il est considéré comme une valeur patrimoniale et historique. Selon le ministère de la Culture et des Communications, il est le premier au monde à être construit entièrement en aluminium. Le pont compte plusieurs éléments en aluminium, dont les poutres d’approche, les poutres caissons renforcées d’entretoisement en treillis, les garde-fous intégrant les luminaires, les parapets ornementaux, etc. En 2008, la Société canadienne de génie civil a reconnu le pont d’Arvida comme un site historique du génie civil [2].

Depuis 1950, le pont n’a pas eu besoin d’entretien sur la surface de ses composants.


©Mario Fafard

Pont Saint-Ambroise

Les poutres du pont de St-Ambroise (sur le ruisseau William à 35 km au nord-ouest de la ville de Saguenay), sont en acier galvanisé et le platelage est composé d’extrusions en aluminium soudées par friction malaxage; les extrusions sont parallèles aux poutres en acier. La largeur du pont est de 7,5 mètres et la portée des poutres est de 8,5 mètres. Le platelage a 10 mètres de long et déborde par-dessus des murs garde-grève des culées ce qui permet de protéger les extrémités des poutres et les appareils d’appui [3] contrairement aux ponts acier-bois où les extrémités de tablier sont les points faibles par rapport à la durabilité de la structure.

Le revêtement du platelage est le Bimagrip LS, un système au polyuréthane à trois composants avec un granulat de 1 à 3 mm de diamètre; l’épaisseur finale du revêtement est d’environ 5 à 6 mm. Ce revêtement léger (moins de 15 kg/m²) et flexible présente une excellente adhérence à l’aluminium et développe un coefficient de frottement élevé pour assurer le freinage des véhicules [3].

Des visites annuelles ont permis de conclure que le pont est en excellent état. Un article sur la constructions de ce pont a fait l’objet d’un article dans le magazine CIVIL en page 10. De plus, un article technique sur la construction et les observations du pont à platelage en aluminium de Saint-Ambroise est disponible sur notre site.


©Mario Fafard

Pont ferroviaire Grasse River

L’utilisation de l’aluminium dans les ponts a débuté à la fin de la deuxième guerre mondiale. Les producteurs d’aluminium ont cherché d’autres marchés pour ce métal. Ainsi, Alcoa a contribué à la construction du pont ferroviaire sur la Grasse River près de Massena dans l’État de New York en 1946. Ce pont ferroviaire a sept travées de 30,5 mètres (100 pieds), dont une est en aluminium. Sur les photos du pont Grasse River on distingue clairement la travée en aluminium. Le poids d’une travée en acier est 2,4 fois plus lourde que celle en aluminium.

Pont Forsmo

Situé en Norvège, le pont Forsmo est le premier pont routier en aluminium dans cette région qui a été construit en 1995. C’est un pont caisson 100 % en aluminium avec un treillis interne au caisson. La superstructure a été assemblée en usine, puis transportée sur le site [4]. La longueur du pont est de 39 mètres (deux travées de 19,1 mètres), sa largeur 7,4 mètres. Le platelage est placé transversalement au pont et il a été soudé par le procédé MIG. Le pont a été inspecté en juillet 2017 par le Norwegian Road Authority, Region North et celui-ci en très bon état [5].

Pont Sandstad

Le pont de Sandstad situé en Norvège a été construit en 1905. C’est un pont à treillis ayant quatre travées; la travée la plus longue fait 70 mètres. Le pont a une longueur totale de 243,1 mètres et de 4,3 mètres de large. En 1996, un platelage en aluminium a été installé sur ce pont en remplacement d’une dalle de béton qui a fissuré à cause de la rouille des barres d’armature [4]. Ce platelage (Sapa 100) est placé transversalement au pont sur des longerons en acier recouverts d’une protection attachée avec des boulons en acier galvanisés. Lors de son inspection par le Norwegian Road Authority Region East en juillet 2017 [5], le platelage était toujours en excellent état.

Projet de vitrines des ponts et passerelles à l’international

À ce jour environ une centaine de ponts contenant de l’aluminium a été répertoriée dans le monde. AluQuébec travaille actuellement à recenser les ponts et les passerelles en aluminium existants à l’international afin d’inventorier les tendances et les possibilités de l’aluminium dans ce secteur.

Projet de pont suspendu à l’étude

Le Norwegian Public Roads Administration (NPRA) a initié une étude sur la faisabilité d’utiliser l'aluminium comme matériau de construction pour des ponts suspendus assez longs. Le projet est un effort conjoint entre Hydro, Leirvik AS, NPRA, NTNU et le Dr.techn. Olav Olsen.

Le site du fjord Langenuen sur la côte ouest de la Norvège a été choisi pour cette étude. Ce pont est conçu comme un pont suspendu avec une portée de 1235 mètres et la longueur totale du pont est de 1775 mètres. L'utilisation de poutres en aluminium pour une telle travée de pont serait une étape révolutionnaire par rapport aux conceptions actuelles.[6]

Projet de pont à platelage en aluminium au Québec

Les platelages de pont en aluminium sont légers, durables et nécessitent peu d’entretien. Toutefois, leur utilisation demeure marginale. Un platelage en aluminium est étanche et peut être assemblé rapidement en chantier (4 à 5 jours). Préfabriqué en usine, favorisant un meilleur contrôle de qualité, celui-ci peut être mis en œuvre facilement, ce qui entraîne la réduction des coûts.

Un platelage en aluminium a un rapport entre sa résistance et son poids supérieur à un tablier en béton ce qui a pour résultat de réduire considérablement le poids de la structure, tout en augmentant sa capacité de résistance aux charges vives liées au trafic routier.

Dans le cadre de la Stratégie québécoise de développement de l’aluminium, le ministère des Transports du Québec et l’Université Laval ont développé un platelage fait d’extrusions soudées par le procédé MIG. Les extrusions sont parallèles aux poutres du pont faites en acier galvanisé ou métallisé. Les extrusions de ce platelage ont été produites et des tests statiques et de fatigue ont été effectués en 2020 et 2021.

Une étude en 2019 compare le coût total de possession d’un pont à platelage en aluminium[7] et quatre poutres d’acier et un pont ayant une dalle de béton sur quatre poutres d’acier. Il est démontré que la solution aluminium est largement moins cher sur 75 ans et que l’empreinte environnemental est beaucoup plus faible que la solution en béton armé. [8]

Un appel d’offres publié en 2021 vise à construire un pont d’une longueur de 15 mètres ayant trois poutres ayant pour but de le tester dans des conditions sévères. Le pont sera installé à la forêt Montmorency de l’Université Laval (forêt expérimentale). Cet endroit a été choisi, car les précipitations (pluie et neige) sont importantes; il peut y faire très froid en hiver et la période hivernale est relativement longue. La température moyenne annuelle est de 0,4oC et l’altitude moyenne est de 750 mètres. Le minimum extrême est de -42,0oC et le maximum extrême de 33,9oC.

Dessin Forêt Montmorency[9]

Articles, documents et études à consulter

Références
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Iron_Bridge
[2] En ligne. https://csce.ca/fr/historic-site/arvida-aluminium-bridge/
[3] Fortin D, 2018. « Construction d’un pont à platelage en aluminium à Saint-Ambroise, Québec, Revue de l’ingénieur civil Canadien, pp. 10-15. En ligne : https://csce.ca/wp-content/uploads/2018/06/CIVIL_SPRING18_LAZ-de.pdf
[4] Siwowski , T. (2006). “Aluminum Bridges – Past, Present and Future.” Structural Engineering International, 4:286-293.
[5] Erga I, Karlsen O.E. & Ringen G, 2018. “Aluminium in Norwegian bridges”. NTNU Aluminium Product Innovation Centre Report, Norway.
[6] Kristensen V. B., Soreide T, Olsonn G., Mosaker G., “LANGENUEN SUSPENSION BRIDGE, ALUMINIUM BRIDGE GIRDER ALTERNATIVE”, Document number 12795-oo-R-001, Norway
[7] Pedneault J, Bayan C, Sorelli L, Margni M, Conciatori D, Desjardins V, Fafard M, 2019. « Analyse du coût total de possession sur le cycle de vie d’un pont routier à platelage en aluminium ». Rapport remis au ministère des Transports du Québec, Québec, Canada. En ligne. www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1240295.pdf
[8] Pedneault J*, Desjardins V, Margni M, Conciatori D, Sorelli L, Fafard M, 2021. “Economic and environmental life cycle assessment of a short-span aluminium composite bridge deck in Canada”. Journal of Cleaner Production, 310 (127405), doi.org/10.1016/j.jclepro.2021.127405
[9] Appel d’offres SEAO No 10354 Construction d’un pont avec platelage d’aluminium.