À l'ère de la canette d'aluminium

Au Québec, on estime la consommation annuelle de canettes en aluminium à un milliard d’unités[1], c’est-à-dire environ 125 canettes par habitant. Ce chiffre est bien entendu proportionnel aux huit millions d’habitants qui composent le Québec. En guise de comparaison, les États-Unis consomment 100 milliards de canettes d’aluminium annuellement (environ 307 canettes par habitant), proportionnellement à leurs 325 millions d’habitants… Un chiffre qui s’explique par le fait que les Américains sont les plus grands consommateurs de boissons en conserve[2].

Par rapport à la France, qui a un ratio similaire au nôtre, le Québec consomme presque deux fois plus de canettes d’aluminium par habitant. En France, on estime la consommation à 77 canettes d’aluminium par habitant, par année[3].

Une popularité justifiée

La canette d’aluminium regorge d’avantages alors il n’est pas surprenant qu’elle se situe au premier rang des contenants les plus économiques et écologiques.

Pourquoi économique?

L’aluminium est un des matériaux les plus légers et résistants. Ainsi, la canette d’aluminium pèse en moyenne de 5 à 10 grammes selon sa taille. Le poids d’une bouteille de verre est quant à lui de 180 à 200 grammes, soit 20 fois plus lourd qu’une canette d’aluminium[4]. La forme de la canette d’aluminium permet aussi de quasiment doubler la quantité de stockage. En effet, les producteurs peuvent livrer deux fois plus de volume en un seul trajet grâce au poids et à la forme des canettes.

Quant à de la production de la canette, le retour sur investissement est avantageux grâce à sa vitesse de production. De fait, ce sont quelques milliers de canettes d’aluminium qui peuvent être produites par minute et elles ne nécessitent aucun chauffage ou refroidissement puisque l’aluminium préserve adéquatement la température[5].

Pourquoi écologique?

D’un point de vue environnemental, le principal argument en faveur des canettes en aluminium est son infinie recyclabilité. Le recyclage des canettes d’aluminium permet de réduire de 95 % l’énergie dépensée et jusqu’à 40 % moins d’eau, par rapport à en fabriquer une neuve[6]. De plus, étant donné que le Québec s’alimente en hydroélectricité, les gaz à effet de serre se voient d’autant plus réduits qu’un pays comme les États-Unis ou la Chine, qui dépendent d’énergies fossiles, donc beaucoup plus polluantes. Ainsi, tout comme l’hydroélectricité, l’aluminium est renouvelable et inépuisable[7].

La liberté créative au service du marketing

D’un point de vue purement créatif, la canette d’aluminium permet une plus grande latitude quant au design, que ce soit par sa taille, sa forme et son visuel. Au niveau de la taille, la hauteur et la largeur peuvent être usinées sur mesure et il en est de même pour la forme de la canette. Il est possible de créer des formes uniques et de mouler la canette beaucoup plus facilement que n’importe quel autre type de contenants (plastique, verre, acier, etc.).

Quant à son look, la canette d’aluminium n’a pas besoin d’étiquette. En effet, un visuel peut être directement imprimé tout autour de la canette. Si cela permet au designer graphique une plus grande flexibilité de création, l’impression est également favorable lors du recyclage puisqu’il suffit de retirer la peinture plutôt que de devoir laver le contenant pour retirer la colle des étiquettes.

Quand on se compare… on comprend!

En guise de comparaison, prenons les bouteilles de verre et de plastique pour les mettre en relation avec les canettes d’aluminium, d’un point de vue écologique.

Une bouteille de verre sera lavée 30 fois avant de retourner sur les rayons. Les canettes d’aluminium, lorsque bien triées, ne nécessitent pas de lavage. Ainsi, les économies en eau sont nettement supérieures avec les canettes en aluminium, surtout considérant que « l’or bleu » deviendra l’un des plus gros enjeux dans les années à venir[8]. Les canettes d’aluminium nécessitent seulement d’être fondues et ne requièrent aucun autre matériel ou extraction.

Qui plus est, la pollution générée par la mise en marché et le recyclage des bouteilles en verre est 95 % plus élevée que celle générée par des canettes en aluminium[9]. De plus, l’extraction des matériaux nécessaires pour fabriquer du verre, comme le sable de silice et la dolomite, représente un processus grandement polluant. Il en est de même pour la pollution générée par la production des bouteilles en verre, émettant du dioxyde de carbone. Si la bouteille en verre n’est pas recyclée, on estime à 400 ans le temps de décomposition[10].

De son côté, la bouteille en plastique est de loin l’option la moins écologique de tous les contenants. Pour 100 kg de plastique produit, 200 kg de pétrole sont nécessaires. Le plastique n’est pas recyclable à l’infini comme l’est l’aluminium et nécessite l’ajout de nouveau plastique pour être recyclé. Ainsi, un simple calcul permet de déterminer les impacts néfastes du plastique sur l’environnement.

Outre que le point de vue de son potentiel recyclable, la bouteille de plastique est le contenant le moins recyclé par les consommateurs. Plusieurs préconisent la poubelle ou la nature pour disposer des bouteilles en plastique. Le temps moyen de décomposition d’une bouteille de plastique est de 400 à 1000 ans.

Un taux de recyclabilité de 100 %

Le plus grand avantage de la canette d’aluminium est son taux de recyclabilité[11] de 100 %, et ce, sans que l’aluminium perde ses propriétés. Étant donné que l’aluminium met de 200 à 500 ans pour se décomposer[12], son recyclage est essentiel tant sur le plan environnemental que financier.

Comment fonctionnent la récupération et le recyclage des canettes en aluminium?

Tout d’abord, établissons la distinction entre la récupération et le recyclage de l’aluminium, deux systèmes qui s’apparentent, mais qui ont des différences majeures dans leur usage.

La récupération est le système mis en place par les entreprises embouteilleuses, conjointement avec Boissons Gazeuses Environnement et Recyc-Québec pour récupérer les contenants[13]. Le consommateur est donc un acteur principal de la récupération des canettes d’aluminium lorsqu’il les consigne. La consigne est définie comme un incitatif qui permet d’améliorer le tri à la source des boissons consommées[14]. La consigne permet d’assurer que l’ensemble des contenants retournés aux endroits désignés seront recyclés à 100 %[15].

Le recyclage est le procédé manufacturier de la matière récupérée en remplacement de matière vierge. Pour expliquer le recyclage de canettes d’aluminium, on peut fragmenter le processus en cinq étapes principales.

  1. La collecte sélective
    Il s’agit d’une méthode de récupération qui sépare à la source les canettes d’aluminium. Le processus inclut l’écrasement des canettes, ainsi que leur mise en ballot (comme un compacteur à matières recyclables) pour faciliter le transport. Si on récupère les canettes recyclées afin d’en faire de nouvelles, il faut aussi y ajouter le processus de mise en alliage, soit le dosage des éléments d’alliage.
  2. Le déchiquetage et le décapage
    Le déchiquetage consiste à mettre en lambeaux de 2 à 5 cm les rebuts des canettes d’aluminium. Cela permet d’augmenter l’efficacité du décapage. Le décapage est une opération qui requiert de chauffer les rebuts dans un four à air chaud pour brûler et volatiliser les contaminants organiques et les enduits qui sont restés sur l’aluminium des rebuts. L’opération du décapage permet aussi d’enlever l’humidité qui pourrait être présente sur les rebuts avant de les submerger dans les bains de métal liquide. Ce faisant, on évite des risques d’explosion.
  3. La refonte des rebuts
    Après avoir déchiqueté et décapé les rebuts, ils sont refondus dans des fours à chargement indirect (de l’anglais sidewell furnace). Cette étape nécessite un brasseur qui est généralement utilisé pour générer un vortex dans le bain d’aluminium liquide. Le vortex permet de submerger les rebuts de canettes sous la surface du bain de métal pour qu’ils fondent à l’abri de l’oxygène. Cette méthode augmente grandement le taux de récupération de l’aluminium, réduisant ainsi les pertes. 
  4. Le centre de coulée
    Une fois les rebuts d’aluminium fondus, on transporte le métal accumulé sous forme liquide, dans un plus gros four de préparation de coulée. C’est à cette étape que se fera la dernière mise en alliage qui servira à alimenter les puits de coulée de lingot de laminage.
  5. Le laminage
    Les lingots sont ensuite envoyés au centre de laminage pour subir des étapes de laminage à chaud et à froid. À la sortie du laminage à froid, l’aluminium devient un feuillard enroulé autour d’un immense rouleau. À cette étape-ci, l’aluminium est « remis à neuf », comme à son origine.

Les enjeux du recyclage au Québec

Après avoir examiné comment s’effectue généralement le recyclage des canettes en aluminium, voyons quels défis s’imposent au Québec en termes d’approvisionnement et de marché limité, car si « le Québec produit le métal primaire, la transformation est l’affaire des Américains. »[16]

Pour le recyclage des canettes d’aluminium, la principale lacune est l’équipement. Les fonderies et les centres de coulée québécois, quoiqu’ils fondent l’aluminium primaire, ne sont pas équipés de fournaises pour fondre le volume d’aluminium à recycler. Nos rebuts d’aluminium sont plutôt envoyés aux États-Unis et en Europe, car ils disposent des installations et possèdent une plus grande part de marché avec leurs dizaines de millions d’habitants[17]. L’installation d’un laminoir au Québec requiert non seulement un investissement majeur (autour d’un milliard), mais un volume beaucoup plus élevé de rebuts d’aluminium.

Malgré tout l’aluminium produit chez nous, l’approvisionnement doit se faire aux États-Unis auprès d’entreprises ayant des laminoirs. Tout est une question d’offre et de demande. C’est-à-dire qu’avec ses huit millions d’habitants, le Québec a un marché trop restreint pour le volume exigé des laminoirs américains qui desservent 325 millions d’habitants. Le résultat est que les microbrasseries et les entreprises québécoises doivent pour l’instant, s’approvisionner de leurs canettes d’aluminium hors du Québec.

Plusieurs entreprises réalisent des projets pilotes étant donné la popularité des canettes d’aluminium, encouragées entre autres par les centaines de microbrasseries québécoises[18]. L’installation d’une usine de canettes au Québec représenterait une économie majeure pour les entreprises par la réduction des coûts de livraison[19].

Une culture recyclage à favoriser au Québec

La « culture recyclage » au Québec doit être beaucoup plus soutenue qu’elle ne l’est actuellement. On estime que 71,5 % des canettes d’aluminium vendues au Québec sont consignées, donc recyclées. Les 28 % restants sont responsables de plus de 438 millions de contenants consignés jetés chaque année. Le Brésil est le champion mondial du recyclage des canettes d’aluminium avec un taux de recyclage de 97,4 % en 2020[20].

Le Brésil a décidé de promouvoir la vente de canettes d’aluminium de telle sorte que même l’eau minérale est généralement servie dans une canette en aluminium. Le Brésil, comme le Québec, a un système de consigne qui permet d’enrichir les citoyens, en échange de leurs contenants. Cependant, à la différence du Québec, la pauvreté est une grande préoccupation des grands centres du Brésil, comme Rio de Janeiro ou Sao Paulo. Plusieurs citoyens sont d’autant plus portés à recycler les canettes jetées dans la nature et dans les espaces communs en échange d’argent.

De son côté, la Suisse a un taux de recyclage des canettes d’aluminium qui s’élève à 91 %. Avec ses 8,6 millions d’habitants, elle a une démographie similaire à la nôtre, mais nous avons tout de même un manque à combler de 19 % de taux de recyclage, et ce, en ayant un modèle de consigne comparable. La coopérative suisse IGORA travaille avec des dizaines d’entreprises des industries des boissons, produits alimentaires et de l’aluminium dans un commun effort d’encourager l’utilisation et de valoriser le recyclage du métal. Ainsi, ce groupement permet une valorisation du recyclage des canettes d’aluminium et tout autre produit en aluminium, étant donné leur grande part de marché.

Des initiatives porteuses à considérer

De tous les produits d’aluminium, les canettes sont au premier plan dans la réalisation du plein potentiel de recyclage du métal. La demande pour les canettes a grandement profité de la pandémie, les consommateurs délaissant les bars et les restaurants pour une consommation plus importante de breuvages en canette d’aluminium, à la maison.

Cette recrudescence mondiale ouvre la porte à des initiatives porteuses comme l’établissement d’une usine de fabrication de canettes en aluminium. Pour l’installation d’un laminoir au Québec, tout passe par le volume de rebuts d’aluminium à laminer. Une utilisation accrue de canettes d’aluminium (pour remplacer les contenants de verre ou de plastique) pourrait encourager et justifier l’implantation d’un laminoir.

Depuis plusieurs années, le mouvement écologique prend une ampleur telle qu’une grande majorité des consommateurs et acheteurs souhaitent réduire leur empreinte environnementale. C’est une excellente nouvelle pour l’industrie de l’aluminium et des canettes en aluminium. La quantité de rebuts postconsommation est équivalente au volume de production d’une aluminerie[21].

Pour ainsi dire, l’engouement généré par l’écologie pourrait aider l’implantation d’équipements et d’aménagements adaptés à notre marché et à notre volume de rebuts en aluminium. Cette tendance écologique se reflète directement dans les entreprises, où l’environnement et les matières recyclables deviennent une préoccupation plus importante. Prenons l’exemple de Tesla qui développe un châssis unique entièrement en aluminium plutôt que les 70 pièces qui le composent[22]. Tesla est un pionnier dans l’innovation automobile et possède les plus grandes parts du marché automobile mondial.

De gros joueurs comme Tesla créent des tendances de marché qui permettent de promouvoir l’utilisation de l’aluminium auprès des consommateurs, autant que des investisseurs, fournisseurs et tout autre intervenant de l’écosystème de l’aluminium. D’où l’importance de s’en inspirer!

En terminant, un peu d’histoire

La première canette en aluminium est apparue aux États-Unis en 1935, mais nécessitait un ouvre-boîte pour l’ouvrir. C’est en 1962 qu’Alcoa et la Pittsburgh Brewing Company introduisent la première canette d’aluminium moderne, avec languette attachée, sur le marché mondial.

 

Références :

[1] André Dubuc, « Le Québec et les canettes », La Presse, 30 juin 2019. Consulté en ligne https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2019-06-30/le-quebec-et-les-canettes.

[2] Packaging Strategies, “Report : Beverage Cans Market Worth 312 Billion By 2026”, 29 avril 2021. Consulté en ligne https://www.packagingstrategies.com/articles/96166-report-beverage-cans-market-worth-312-billion-by-2026.

[3] Jean-Louis Dell’Oro, « 5 chiffres incroyables sur les canettes de boisson », Challenges, 19 février 2015. Consulté en ligne https://www.challenges.fr/france/5-chiffres-incroyables-sur-les-canettes-de-boisson_113291.

[4] John Martin, « La bière en canette », Martin’s Finest Beer Selection. Consulté en ligne https://anthonymartin.be/fr/news-events/news/38-la-biere-en-canette/.

[5] Metal Packaging Europe, “Benefits”. Consulté en ligne https://www.metalpackagingeurope.org/benefits

[6] https://consignaction.ca/le-recyclage-des-contenants-consignes-une-methode-de-production-moins-energivore/.

[7] Hydro-Québec, « Avantages de l’hydroélectricité ». Consulté en ligne http://www.hydroquebec.com/comprendre/hydroelectricite/.

[8] INRS, « L’or bleu, une richesse inestimable ». Consulté en ligne https://inrs.ca/linrs/salle-de-nouvelles/dossiers/lor-bleu/.

[9] Journal du Geek, « L’impact des cannettes en aluminium sur l’environnement est moindre que les bouteilles en verre », 2 janvier 2021. Consulté en ligne https://www.journaldugeek.com/2021/01/02/limpact-des-cannettes-en-aluminium-sur-lenvironnement-est-moindre-que-les-bouteilles-en-verre/.

[10] Consignaction, « Le recyclage des contenants consignés : une méthode de production moins énergivore ». Consulté en ligne https://consignaction.ca/le-recyclage-des-contenants-consignes-une-methode-de-production-moins-energivore/.

[11] Dictionnaire Le Robert, « Recyclabilité ». Consulté en ligne https://dictionnaire.lerobert.com/definition/recyclabilite.

[12] Consignaction, « Le recyclage des contenants consignés : une méthode de production moins énergivore ». Consulté en ligne https://consignaction.ca/le-recyclage-des-contenants-consignes-une-methode-de-production-moins-energivore/.

[13] Consignaction, « Consigner, récupérer ou recycler ». Consulté en ligne https://consignaction.ca/consigner-recuperer-ou-recycler/.

[14] Recyc-Québec, « Foire aux questions ». Consulté en ligne https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/entreprises-organismes/mieux-gerer/consigne/foire-aux-questions.

[15] Consignaction, « Consigner, récupérer ou recycler ». Consulté en ligne https://consignaction.ca/consigner-recuperer-ou-recycler/.

[16] André Dubuc, « Le Québec et les canettes », La Presse, 30 juin 2019. Consulté en ligne https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2019-06-30/le-quebec-et-les-canettes.

[17] Yvon Laprade, « Des tonnes d’aluminium récupéré quittent le Québec », La Presse, 21 octobre 2021. Consulté en ligne https://www.lapresse.ca/affaires/portfolio/2021-10-21/aluminium/des-tonnes-d-aluminium-recupere-quittent-le-quebec.php.

[18] Hélène Baril, « Vers une production locale de canettes ? », La Presse, 20 août 2020. Consulté en ligne https://www.lapresse.ca/affaires/2020-08-20/vers-une-production-locale-de-canettes.php#.

[19] Hélène Baril, « Un projet de canettes Made in Québec », 30 janvier 2017. Consulté en ligne https://plus.lapresse.ca/screens/96e03096-6703-4c5c-84ec-21a8ce6b34bc__7C___0.html.

[20] Map Ecology, « Brésil : leader mondial du recyclage des canettes en aluminium », Agence Marocaine de Presse, 28 avril 2021. Consulté en ligne https://mapecology.ma/actualites/bresil-leader-mondial-recyclage-canettes-aluminium/.

[21] Maxime Hébert-Lévesque, « Alu-Québec : La refonte, une industrie à fort potentiel », Informe Affaires, 31 octobre 2021. Consulté en ligne https://informeaffaires.com/regional/cahier-thematique/alu-quebec-la-refonte-une-industrie-a-fort-potentiel.

[22] Automotive News Europe, “Tesla Bets on Aluminium Casting for Germany Plant”, 8 septembre 2020. Consulté en ligne https://europe.autonews.com/automakers/tesla-bets-aluminum-casting-german-plant.